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A chacun son empreinte !
Pouvoir
pose des mots sur,
vos engagements,
vos actes et vos passions !
par Tyna Geronimi
Médiatrice Culturelle, artiste peintre poétesse
Citoyenne du Monde
Port d'attache Sète
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« Ensuite, j’ai voulu le laisser. Il y avait encore, dans quelque recoin secret de mon corps, un dégoût. Et il craignait ma réaction. J’avais envie de fuir. (…) Et je ne voulais pas le blesser en fuyant. Mais en cet instant, après la passion, il fallait au moins que je retourne dans ma chambre, que je sois seule.
Je me sentais empoisonnée par cette union. »
Anaïs Nin ( Inceste)
« Je ne suis pas une femme qui appartient à un seul homme. Je suis une femme qui appartient à l'amour. »
Anaïs Nin, le Feu 1935
« Ma seule religion, ma seule philosophie, mon seul dogme, c'est l'amour. Tout le reste, je suis capable de le trahir si la passion me transporte vers un monde nouveau »
Anaïs Nin, Journal de l'Amour 23 octobre 1939
J’ai choisi de vous plonger dans l’univers d’Anaïs Nin qui a inventé une nouvelle manière d’écrire, l’introspection féminine érotique. Sa prolifique œuvre publiée tardivement est une source d’intérêt croissant pour toutes les femmes du XXIe siècle qui se retrouvent dans ce besoin de poser les mots appropriés sur leurs désirs, mais aussi une source d’intérêt pour les hommes, souvent égarés face à la complexité des sentiments féminins.
En femme qui se réclame femme libre, Anaïs Nin ose prendre toutes les libertés pour assouvir ses désirs, et pourtant, cherche toujours le regard des hommes et parfois des femmes de son entourage. Elle est une séductrice accomplie qui aime contrôler ses intimes et qui joue en permanence son rôle de femme aimante, voire soumise, auprès de son mari et de ses amants. Elle est constamment dans le mensonge auprès de chacun d’entre eux, tout en respectant leur sensibilité et leur dignité. Car Anaïs Nin, même si elle aménage la vérité, pour le bien de chacun, ne cherche pas à faire du mal. Elle a un grand cœur et aime sincèrement les hommes ou parfois les femmes qu’elle séduit. Elle s’attache, tout en étant amorale.
Anaïs Nin, Journal de l'Inceste, 30 octobre 1932
Mon sentiment en lisant ses journaux, en particulier le journal de l'amour, qui sont désormais non expurgés, est ambivalent. Anaïs Nin a un besoin constant de plaire et d’être aimée, probablement lié au manque du père, même violent et incestueux, mais elle a aussi le besoin de contrôler ses relations amoureuses, de gérer son théâtre personnel. Elle se révèle perverse et moqueuse, menteuse quasi pathologique, atteinte d'un Donjuanisme au féminin, qui n'a de cesse de la propulser dans d'innombrables aventures nourrissant son œuvre d'écrivaine. Elle démontre par ailleurs une piètre opinion des hommes qui la fréquentent, tous des intellectuels ou des artistes, dont une grande majorité deviendra célèbre, voire iconique comme son grand amour et amant, le sulfureux Henry Miller. Elle ne les trouve pas toujours assez virils. Elle déclare aussi :
Journal VI, le Désespoir, 20 janvier 1940
Elle écrit ce verdict implacable qui lui sert constamment pour légitimer ses mensonges :
Journal, 27 novembre 1932
(Mai 1933)
Toute la vie d'Anaïs Nin, du moins dans ses excès, est liée à mon avis à Joaquim son père auquel elle s’identifie complètement. Ce père qui l’a initiée au plaisir charnel dans son enfance et qui, vingt ans plus tard à l’âge adulte, est devenu un homme qu’elle désire. Cette fusion totale incestueuse se réalise dans le cadre d’une passion amoureuse partagée qui se révèle au travers d’échanges épistolaires sans ambiguïté, de vraies lettres d’amour, les mots d’un inceste “choisi“, du moins consenti. Anaïs Nin reste encore aujourd’hui une personne scandaleuse dans ses propos qui ne correspondent pas au discours actuel de libération de la parole pour combattre ce fléau de l’inceste. En la lisant, on prend conscience que ces mots jetés sur le papier sont comme les aveux d’un patient chez un psychanalyste et qu’ils n'étaient pas forcément destinés à être lus. Se dire amoureuse de l’inceste et aimer partager ses amours restent les dires d’une personnalité hors du commun, une auteure incroyable au registre érotique large et certainement à l’imagination débordante dont ont pu et pourront encore se préoccuper bien des psychanalystes.
Au-delà de toutes ces expériences érotiques, Anaïs Nin est une femme de son époque qui sait qu’elle doit développer ses élans créatifs, et qui sent qu’elle a l’étoffe d’une écrivaine dotée d’une sensibilité différente. Elle garde toujours l’espoir que ses écrits poétiques, ses nouvelles et ses romans seront appréciés.
« Effroyable conflit entre ma part féminine,
qui souhaite vivre dans un monde gouverné
par les hommes, vivre avec un homme,
et ma part créatrice, capable de créer un monde à elle,
un rythme à elle, un rythme qui ne convient à aucun. »
Anaïs Nin, 13 novembre 1935
Anaïs Nin apporte une véritable réflexion concernant l’écrivain et l’écriture, nourrie de cette période passionnante à Paris qu’elle partage avec Henry Miller, notamment dans la Villa Seurat à Montparnasse :
"Nous écrivons pour goûter la vie deux fois,
dans l'instant et rétrospectivement."
Journal, février 1954
Toute personne qui cherche à écrire une histoire ou un livre reçoit des messages forts de la part d’Anaïs Nin :
Anaïs Nin, Journal, février 1954
La même année, elle explique :
« Le Journal est comme la vie même,
une œuvre inachevée.
Parfois, j'aimerais vivre assez longtemps
pour le terminer en détail,
en faire une œuvre proustienne. »
Quant à moi je retiens cette belle pensée plus globale sur l’art:
"L'art a pour fonction de renouveler notre perception.
Ce qui nous est familier, nous cessons de le voir.
L'écrivain bouleverse la scène familière et,
comme par magie, nous y voyons un nouveau sens."
Le Roman de l'avenir, 1968
En fait, la célébrité littéraire lui viendra de la publication de ses journaux expurgés en 1964.
Dès 1966, le succès est là. Vénus Erotica, ses nouvelles érotiques écrites à New York en 1940 comme un pur travail alimentaire, lui vaudront un succès planétaire à sa mort en 1977. Sous le titre original, Delta of Venus: Erotica elles seront publiées à New York chez Harcourt Brace Jovanovich. Elles paraitront en France en 1981.
En conclusion, je souhaite finir cet article sur la langue poétique d’Anaïs Nin avec un extrait de sa première publication
publié en Français en 1979, et considéré comme une rêverie poétique surréaliste, « une Saison en Enfer » féminine. Ce texte est servi par une saisissante traduction de Claude Louis-Combet.