A chacun son empreinte !
par Tyna Geronimi
Médiatrice Culturelle, artiste peintre poétesse
Citoyenne du Monde
Port d'attache Sète
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J'aimais les mots depuis toujours.
Je croyais que si on mettait d'un côté des images,
de l'autre côté des mots, ça ferait du cinéma.
Bien sûr que j'ai appris que c'était autre chose, après.
(Varda par Agnès, 1994)
La vie est une histoire à écrire,
et je suis la conteuse de mon propre récit."
Agnès Varda, interview pour Les Inrocks, 2017
Agnès Varda est devenue une icône. Cette année 2023 lui est consacrée. Quatre années après nous avoir quittés, les expositions et festivals fleurissent, célébrant la carrière exceptionnelle de cette pionnière de la Nouvelle Vague. Agnès Varda s'est elle-même racontée, mise en scène dans des autobiographies écrites et filmées dont les dernières en date l'année de sa mort. Sa carrière de plus de soixante ans est riche de belles réussites, de changements de cap, d'aventures cinématographiques et personnelles. Elle disait d'elle qu'elle avait trois vies. Dans tout ce qu'elle a réalisé, si les images ont eu un rôle capital dans sa grande longévité professionnelle, les mots eux ne l'ont jamais quittée. Elle les aimait.
La Pointe Courte
« La Pointe Courte, c'est mon enfance, c'est ma jeunesse. C'est là que j'ai appris à aimer la vie, à aimer les gens, à aimer le travail. C'est là que j'ai appris à faire des films, à photographier. La Pointe Courte, c'est mon univers, c'est ma source d'inspiration. J'y suis toujours revenu, j'y suis toujours resté. »
Interview au Monde 2017
Se promener à la Pointe Courte dans le quartier de son enfance, comme je l'accomplis régulièrement, aide à comprendre non seulement ses souvenirs, mais son imaginaire porté par les mots des lieux, les sensations et les émotions ressenties dans cet environnement marin fait d'embruns, de soleil intense et de vent glacial. Cet univers de pêcheurs à la vie rude mais solidaire a donné une orientation et une sensibilité tournées vers les plus malmenés de notre société. Le cinéma sert aussi à dénoncer les injustices et les dénis de la société. Agnès Varda a su préserver, malgré la célébrité, une âme proche des gens simples, un cœur ouvert sur le monde et un enthousiasme pour la nouveauté.
Les Mots
Que ce soit dans les dialogues de ses films, dans ses multiples interviews et bien sûr dans ses récits et son autobiographie personnelle, des mots et des thèmes sont récurrents, une vision de la vie en ressort. que j'espère vous faire partager. Je ne sais pas quel est votre film fétiche, mais moi, c'est Cléo de 5 à 7 de 1962 que j'ai découvert dans un dans un ciné club en 80 à Paris, une vision féministe qui me parlait. D'ailleurs, Agnès Varda disait de ce film en 1997 dans le Cercle de Minuit: « c'est un film féministe, tout le problème des femmes, c'est le réveil du regard: c'est de passer d'être regardée à regarder, d'être désirée à désirer, d'être manipulée à manipuler, ce qu'on fait toujours quand on est artiste. »
La femme libre qu'elle était se nourrissait de nature et de poésie.
Les éléments de la nature, ceux de son enfance, elle en parle ou les transforme en dialogues.
Le vent si présent à Sète lui inspire ces mots, en 1977
dans son film"Film Vagabondages":
« Le vent, c'est la vie.
Le vent qui soulève les cheveux,
qui emporte les paroles,
qui fait tourner les pages.
Le vent qui nous emporte,
qui nous mène, qui nous berce. »
Quand elle ne les invente pas, les mots elle les puise dans la littérature. Ainsi pour parler du soleil de sa propre enfance, dans son film Les Enfants de Lumière, elle convoque Gauguin qui dans « Lettres à son fils » écrit « Le soleil est le plus grand des artistes »
La poésie est une source d'inspiration également. Dans son film Poèmes à Lou, Varda cite Aimé Césaire « la poésie est une arme ». Pour parler du bonheur, elle convoque André Breton dans Nadja « le bonheur est une idée neuve ».
Mieux, la poésie la définit, dans une interview au Monde de 2015, elle proclame : « Je suis une cinéaste poète. Je suis une poète qui utilise la caméra comme un outil de poésie. Je suis une poète qui cherche à capter les moments de grâce, les moments de beauté, les moments de vérité. »
Ce sont effectivement ces moments de grâce, de beauté et de vérité qui font de ses films et de son travail artistique une véritable œuvre. Varda a su tisser des liens avec son public, le toucher et l'accompagner tout au long de sa vie. Varda témoigne d'un esprit radieux et original, doté d'une imagination débordante, pour qui chaque acte de création était une expression vitale de son être. Elle nous manque déjà.
La Pointe courte, Sète, par Tyna Geronimi.